
Des pompiers inspectent une résidence incendiée, le 20 janvier 2019 à Courchevel (Savoie) ( AFP / Fanny HARDY )
L'incendie avait coûté la vie à deux saisonniers dans la station de ski de Courchevel en 2019: jugé depuis lundi pour avoir volontairement mis le feu à leur résidence, Hicham Abderraouf va tenter de convaincre la cour d'assises de son innocence.
Le procès de cet Algérien de 27 ans originaire de l'Hérault, au casier judiciaire porteur de 11 condamnations de violences, conduite sans permis ou trafic de stupéfiants, s'est ouvert lundi à Chambéry. Il doit s'étirer jusqu'au 30 mai.
Le sinistre s'était déclaré le 20 janvier 2019 peu après 4H00 du matin à l'Isba, une résidence abritant plusieurs dizaines de travailleurs saisonniers dans cette très huppée station de Savoie.
Deux d'entre eux, une femme de 32 ans et un homme de 50 ans, employés dans des restaurants de la station, avaient succombé asphyxiés, et une vingtaine avaient été blessés, pour certains très gravement, en se défenestrant pour échapper aux flammes. Une cinquantaine de personnes se sont portées parties civiles, représentées par une dizaine d'avocats.
L'accusé, soupçonné d'avoir agi par vengeance envers une ex-petite amie logée dans cette résidence, a toujours nié les faits.
En récidive après ses précédentes condamnations, il est accusé notamment de "destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux" ayant entraîné la mort et des infirmités permanentes, ainsi que de détention d'arme et d'évasion par violence. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Arborant de fines lunettes et des cheveux courts, il a répondu lundi à un premier interrogatoire de personnalité, lors duquel il a révélé avoir été abandonné par ses parents en Algérie, puis élevé en France par des parents algériens, un père traiteur et une mère sans emploi.
Son parcours, détaillé par le président de la cour, atteste de bons résultats scolaires puis d'un plongeon progressif dans la délinquance: son père adoptif disparu, le garçon se montre rapidement violent avec sa mère, et multiplie les condamnations pour usage et trafic de stupéfiants et détention d'arme.
"On n'est pas loin du parcours désastreux", reconnaît-il, pressé par le président. Pour autant, il estime aussi avoir été victime de "pression", voire d'"acharnement" de la justice ainsi que des médias notamment après le début de l'affaire de Courchevel.
Interpellé et mis en examen deux mois après l'incendie, il avait été libéré début avril 2021 en raison d'un vice de procédure. Après plusieurs péripéties et une évasion en 2021, il avait été interpellé en janvier 2023 à Malaga (Espagne) et remis aux autorités françaises.
Pour son avocat Foudeil Benazout, son client a hâte de s'exprimer sur les faits et démontrer qu'il "est totalement innocent et étranger à ces faits dramatiques".
"C'est clairement l'acquittement qui sera plaidé", poursuit-il, dénonçant "une enquête qui a été menée à l'envers", ou tout au moins "avec des œillères, une nécessité de répondre à une pression peut-être médiatique, sociale au moment du drame".
- "Gravées à vie" -
Pour Alain Corci, père d'une jeune femme grièvement blessée lors de l'incendie, le doute n'est pas permis et cette fuite à l'étranger en atteste: "C'est un multirécidiviste, trafiquant de drogue, avec pas mal de passif pour son jeune âge, et en plus de ça, avec deux tentatives d'évasion. Quelqu'un qui est innocent ne va pas s'évader à chaque fois", a-t-il souligné, le qualifiant de "coupable à 2000%".
"Pour les victimes en général, ma fille compris, il y a des séquelles qui sont visibles, et des séquelles physiques ou morales qui ne sont pas visibles. Et les images que les personnes ont vécues à ce moment-là (...) restent gravées à vie", a-t-il ajouté, plaidant pour "une condamnation exemplaire".
La cour doit aussi entendre lundi un policier et des experts en incendies. Suivront les témoins mardi puis d'autres experts avant les parties civiles à partir de jeudi. Le verdict est attendu le 30 mai.
L'affaire devrait donner lieu à un deuxième procès début juin devant le tribunal correctionnel d'Albertville, qui visera cette fois le propriétaire de l'immeuble, accusé d'"homicide et blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence" et "hébergement de travailleurs dans un local non conforme".
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